Chapitre 2 : Le Conseil des Rameaux

Le tronc ancestral de l’Arbre-Banque vibrait d’une tension palpable. Des centaines de créatures forestières s’étaient réunies dans la Clairière des Raisins Secs, lieu sacré où seuls les plus grands débats politiques, drames conjugaux et concours de cris de grenouilles avaient droit de cité.

Aujourd’hui, c’était le Conseil des Rameaux, la plus haute instance décisionnelle de la forêt.

Autant dire que personne n’avait lu l’ordre du jour.

UNE ASSEMBLÉE TRÈS TRÈS DIVERSIFIÉE
Les représentants arrivaient par vagues.

Les blaireaux, dignes, portaient des vestes à boutons faits de noisettes creusées, suintant le sérieux et la transpiration de tunnel.

Les hiboux, perchés sur des branches latérales, scrutaient les débats avec le calme de vieux professeurs de philosophie insomniaques.

Les castors, toujours en train de construire quelque chose, avaient empilé trois bancs en forme de barrage pour asseoir leur délégation.

Les grenouilles ninja étaient là… mais invisibles. On les soupçonnait d’être déguisées en feuilles ou en bouteilles d’eau minérale.

Et les renards, évidemment, étaient arrivés en limousine d’écorce tirée par des coléoptères en smoking.

Enfin, Castagnor entra, escorté par ses gardes du corps, tous vêtus de glands blindés et casques faits de coquilles de noix. Il s’installa en haut de la branche centrale.

— "Le Conseil est ouvert. Que les poils s’apaisent."

LES PRISES DE PAROLE...
Un blaireau moustachu leva la patte.

— "Mes amis, nous devons rester calmes. La disparition de la Reine est un choc, mais accusons avec prudence."

Un renard gloussa.

— "Tu parles, Blaireausius ! Votre peuple creuse des tunnels jusque dans nos latrines ! Hier encore j’ai trouvé un blaireau dans mon bain de boue."

— "Ce n’est pas nous, c’était sûrement une musaraigne intrusive. Elles sont petites, mais ambitieuses."

Un hibou hocha la tête d’un air tellement lent qu’on crut qu’il était figé.

— "Le calme... doit primer. Ou au moins, qu’on ne se jette pas de noisettes à la tête avant la deuxième pause digestive."

Mais à cet instant, un jet de crottes de lapin fendit l’air.

— "DEBOUT LES MOUFLONS !", cria un lapin trop excité. "Assez de débats stériles ! Il faut une armée ! Il faut brûler le bosquet nord ! Peut-être que la Reine s’y cache ! EN FLAMMES !"

— "Mais ce sont des fougères !", hurla une grenouille. "Ce n’est pas une solution stratégique viable !"

Un vieux castor soupira.

— "C’était mieux quand les taupes dormaient pendant les réunions."

L'INTERVENTION DRAMATIQUE
Soudain, un grondement secoua la clairière. Une ombre gigantesque passa au-dessus des feuillages. Des feuilles tombèrent. Un frisson parcourut les rameaux.

Un putois géant en armure de liège apparut, suivi de sa brigade odorante. C’était Pestorius, mercenaire légendaire et prince auto-proclamé de la Désodorisation Totale.

— "Conseil ou pas conseil...", dit-il en reniflant, "j’ai entendu parler de noisettes à gagner. Et vous savez ce que ça veut dire : Pestorius est à vendre !"

Un silence. Puis un écureuil murmura :

— "Oh nooon... pas encore lui..."

Pestorius éclata d’un rire qui fit faner trois fleurs.

— "Je propose mes services au plus offrant. Je peux retrouver la Reine, protéger vos réserves ou... répandre un nuage de confusion olfactive sur vos ennemis."

Le hibou éternua violemment.

UN VOTE, UNE DIVISION, UN GROS DÉSASTRE
Castagnor tenta de calmer la tempête.

— "Trêve de hurlements. Votons : réunir nos forces pour lancer une enquête commune ou continuer à se tirer les poils dans les bois ?"

Résultat :

9 votes pour la coopération.

4 pour l’attaque préventive.

2 grenouilles se sont abstenues car elles méditaient.

1 hibou s’est endormi.

Et 1 castor a voté pour une nouvelle taxe sur les glands trop ronds.

Puis, un cri jaillit du fond de la clairière :
— "LA REINE AURAIT ÉTÉ VUE DANS LE MARAIS BRUMEUX !!!"

Tous se figèrent.

Les regards convergèrent vers Castagnor.

— "Alors c’est décidé. Je pars avec la Brigade de la Coquille. Que les noisettes soient bénies. Et que personne ne touche à ma réserve pendant mon absence."

Un castor toussota nerveusement.

— "Techniquement, elle est déjà… euh… hypothéquée."

Castagnor le foudroya du regard.

LE DÉPART
Sous les acclamations — et quelques jets de glands rancuniers —, le général s’élança dans les branches, suivi de ses compagnons de fortune : un lapin pyromane, un blaireau hyperactif, une pie instable (Pluminette), et un escargot géant nommé Speedo, pour porter les bagages.

Le Conseil reprit ses discussions... pendant environ 3 minutes avant de sombrer à nouveau dans une bagarre généralisée à base de jets de baies.