chapitre 15 FINAL PART 2/2

Le marché de Trésorville.

Le soleil d’après-midi baignait la place centrale d’une lumière dorée, faisant scintiller les pavés usés par les ans. Les étals des marchands s’alignaient en un joyeux chaos, débordant de tissus colorés, de fruits juteux et de bijoux ciselés. L’air était empli de l’odeur du pain chaud, du cuir tanné et des épices venues de contrées lointaines. Les voix des commerçants s’élevaient dans un concert de négociations et de plaisanteries, ponctuées par les éclats de rire des enfants courant entre les étals.

Au milieu de cette agitation paisible, Lucien était immobile.

Il observait tout autour de lui avec un regard troublé, comme si quelque chose lui échappait. Une sensation étrange pesait sur son esprit, une impression de vide qu’il n’arrivait pas à expliquer. Il savait qu’il était venu ici pour une raison précise… mais laquelle ?

Son regard glissa vers sa ceinture, où pendait son carnet de notes. Un carnet usé, rempli de pages griffonnées. Pourtant, il ne se souvenait pas avoir écrit dedans. Il le feuilleta rapidement. Les mots étaient bien là, son écriture aussi… mais ils semblaient étrangers, comme si un autre les avait tracés à sa place. Il effleura les pages du bout des doigts, sentant leur texture rugueuse sous sa peau. Pourquoi ressentait-il un léger pincement au cœur en les lisant ?

Un frisson lui parcourut l’échine.

Machinalement, il glissa une main dans sa poche et sentit un objet froid et métallique contre sa paume. Il le sortit lentement et l’observa.

Une pièce d’or.

Simple, sans inscription, sans motif distinctif.

Lucien fronça les sourcils.

Quelque chose clochait. Il n’avait aucun souvenir de l’avoir obtenue. Et pourtant, il savait, au plus profond de lui, qu’elle était importante.

Une vague d’émotions contradictoires l’envahit : de la curiosité, une pointe de nostalgie et une légère angoisse. C’était comme chercher un mot sur le bout de la langue, un souvenir insaisissable qui dansait à la lisière de son esprit sans jamais se laisser attraper.

Pourquoi cette pièce lui donnait-elle l’impression d’avoir perdu quelque chose d’inestimable ?

Un murmure du vent fit frissonner les feuilles des arbres bordant la place. Instinctivement, Lucien leva les yeux et, au loin, il aperçut une silhouette à cheval.

Un homme vêtu d’une cape sombre.

Son allure était familière, bien que son visage fût à moitié dissimulé sous une capuche. Lucien plissa les yeux, essayant de discerner ses traits. Une sensation étrange s’empara de lui… Un souvenir diffus, une impression de déjà-vu. Il connaissait cet homme. Il en était certain.

Mais pourquoi ?

Le cavalier, comme s’il avait senti le regard de Lucien, tourna légèrement la tête. Un éclat doré brilla sous sa capuche – une pièce, identique à celle que Lucien tenait encore dans sa main.

Leurs regards se croisèrent.

Un battement de cœur.

Puis, sans un mot, l’homme talonna son cheval et s’éloigna du village, disparaissant dans un nuage de poussière.

Lucien resta figé, la main serrée autour de la pièce d’or.

Il eut l’envie soudaine de courir après lui, de l’arrêter, de lui poser des questions… mais quelles questions ? Il ne savait même pas ce qu’il voulait demander. Il avait juste cette sensation dérangeante d’avoir frôlé quelque chose d’important, sans pouvoir mettre le doigt dessus.

Un vent léger souffla sur la place, emportant avec lui une odeur d’épices et de bois brûlé. Le marché continuait sa vie, insouciant. Les villageois riaient, marchandaient, bavardaient comme si de rien n’était.

Comme si rien ne s’était jamais passé.

Lucien haussa légèrement les épaules, un sourire incertain aux lèvres.

Il observa une dernière fois la pièce d’or, la fit tourner entre ses doigts, puis la glissa à nouveau dans sa poche. Peut-être n’était-elle qu’une pièce banale, après tout.

Peut-être…

Il reporta son attention sur les étals du marché, où un vieil antiquaire exposait des objets rares. Une vieille horloge à mécanisme complexe attira son regard. Il s’en approcha, laissant derrière lui le mystère non résolu.

Sans le savoir, il venait d’accomplir son plus grand exploit.

Le Royaume des Secrets existait toujours, tapi sous la surface du monde, veillant dans l’ombre.

Mais plus personne ne s’en souvenait.

FIN.

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